Un premier pas vers la méta-stratégie : est ce possible ? 

Avant d’appréhender le potentiel niveau méta de la stratégie, il faut se pencher sur ce qu’elle est dans son fondement. 

« La stratégie, ou mieux la stratégique pour reprendre la conceptualisation du général Poirier, devient une façon spécifique de voir le monde et de tenter de le faire bouger pourvu que l’on puisse adopter le point de vue d’une « unité active », fût-elle composite et hétérogène, multipolaire, soumise à de multiples dépendances, mais non dépourvue d’une certaine autonomie » 

Alain-Charles Martinet, Professeur émérite en Sciences de gestion et management stratégique, Université Jean-Moulin Lyon 3.  

Elle est « aussi figurément celle qui désigne l’Art de manœuvrer » (dictionnaire de l’Académie française). C’est ce de cet art dont il est question, celui qui permet de créer la voie navigable pour amener une entité la où elle le souhaite en faisant appel à son milieu (bien au delà de son environnement, nous le verrons dans un prochain éclairage). 

« La stratégie n’est pas un regard vers soi-même, mais un regard vers les autres » …

Général Vincent Desportes, Spécialiste de la réflexion stratégique et ancien dirigeant de l’école de Guerre

… et en ce sens elle est « de nature dialectique ». C’est pourquoi il faut la différencier du plan, de la tactique ou de la gestion. « La gestion est de nature géométrique », dès lors la ou la gestion est basée sur des certitudes, elle doit être éclairée par la stratégie. Il en va de même pour la tactique, n’étant que la part flexible de la stratégie, qui elle se veut plus stable, car c’est une culture, un esprit. La stratégie est un but-chemin-conduite et donc pas un plan en tant que tel, par essence rigide, préalablement défini sans intégration dynamique et dès lors cassable. 

En un sens la « stratégie est systémique » (Général Vincent Desportes), car à l’image d’un skipper au large, elle nécessite de prendre en compte les vents pour s’orienter, infléchir ou non ses voiles, comprendre les marées et mouvements des mers pour garder son cap. Le but de la stratégie est alors d’avancer. Avancer oui, mais tout en ayant porté à la conscience du stratège de vouloir faire produire le meilleur à la valeur (ressources) toujours trop réduite dont il dispose. 

C’est le cas pour une organisation qui doit comprendre les dynamiques sociales pour faire avancer ses collaborateurs, mais également économiques, institutionnels, et au-delà comme celles inhérentes au Système Terre. 

« Se pose donc en stratégie une nécessité pour laquelle la parcellisation cartésienne s’avère parfaitement contreproductive : trouver la bonne focale sans sombrer dans la production d’énoncés validés, mais pointillistes et inutilisables d’un côté ni se satisfaire de généralisations tellement globales et irréfutables qu’elles en perdent toute rigueur de l’autre » 

Alain-Charles Martinet 

« Entrer en stratégie » c’est donc s’attaquer de front au problème du rendement stratégique et dès lors de la complexité. Nous le verrons cette complexité provient de plusieurs fronts … ce sera l’occasion de se demander s’il est enviable de devenir ce que l’on pourrait qualifier de méta-stratège.